Chercheur, professeur à HEC, coauteur du sixième rapport du GIEC, le superviseur scientifique de ce classement des bons et mauvais élèves, défend une vision coopérative du traité international. Alors que le combat contre le dérèglement climatique recule sur bien des fronts, il est encore plus nécessaire d’évaluer les actions menées par les différents pays.
Pourquoi avoir lancé ce classement ?
François Gemenne : L’Accord de Paris, donc les COP, repose largement sur une logique d’alignement et de coopération internationale ascendante où les engagements de tel ou tel pays sont calés sur les engagements des autres.
Or, nous ne disposions pas jusqu’ici d’une base d’informations objectives permettant de savoir dans quelle mesure les pays avaient respecté l’ensemble de leurs engagements. Seules les trajectoires de décarbonation avec des voyants rouge, orange ou vert, étaient accessibles.
L’objectif de ce classement est donc d’offrir une base concrète de référence et de constituer une aide à la négociation. Et ce peut-être aussi, pour les financiers, un outil permettant d’orienter leurs investissements dans le choix d’obligations souveraines.
Comment justifiez-vous les pondérations attribuées à chacun des critères que vous évaluez : atténuation (57,14 %), adaptation (14,29 %) et participation au financement des pays du Sud (28,57 %) ?
François Gemenne : C’est évidemment un choix subjectif inspiré par les experts et la littérature scientifique. Tous les choix peuvent être discutés. On pourrait, par exemple, se demander si le levier de l’adaptation ne mériterait pas un plus grand poids. Mais, nous avons considéré que cette dimension concerne avant tout chaque pays pris individuellement dans une approche que l’on pourrait qualifier d’« égoïste ». Car si un pays est très mauvais en adaptation, cela n’aura pas forcément d’impact direct sur le reste du monde.
Pour ma part, je plaiderais plutôt pour donner l’importance la plus grande aux critères de coopération. Et donc favoriser les engagements pris par un pays en faveur des autres, plutôt que vis-à-vis de lui-même.
Vous avez pour ambition d’étendre le classement 2026 aux pays du Sud, notamment à la Chine et à l’Inde. Pourquoi ne pas l’avoir déjà fait ? Et quel impact aura la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le prochain classement ?
François Gemenne : L’enjeu est de collecter des données significatives et fiables. Certaines sont difficilement comparables pour des raisons de méthodologie et il convient de les retravailler. D’autres sont simplement manquantes. Et il peut y avoir une volonté politique de ne pas les communiquer.
Si la Chine avait dû être prise en compte dans ce classement, elle aurait sans doute eu une mauvaise note en matière de transparence et d’adaptation, une bonne note en soutien aux pays du Sud, et une très bonne note en décarbonation.
Concernant les États-Unis, leur sortie de l’Accord de Paris ne rendra pas pertinent leur maintien dans le classement. De toute façon, ils sont déjà dans les bons derniers et ils seraient encore pénalisés pour avoir stoppé le financement des pays en développement. On peut surtout craindre que le retrait américain n’entraine le désengagement d’autres pays.
Qu’attendez-vous de la publication d’un tel classement dans le contexte géopolitique actuel et de la prochaine COP30 ?
François Gemenne : Le contexte actuel met à mal l’Accord de Paris dont l’esprit se délite. Manifestement, un certain nombre de pays recherchent plutôt aujourd’hui la divergence et pourraient même considérer leur position en queue de peloton comme une médaille d’honneur !
J’espère que la COP30 ne se soldera pas par un recul trop marquant et surtout que l’on ne reviendra pas sur l’engagement pris à la COP28 de 2023 appelant les États à abandonner progressivement les combustibles fossiles. On peut aussi espérer certains progrès en matière de déforestation.