Pour la deuxième année, 2050NOW publie en exclusivité le « Palmarès international des efforts des États en matière climatique ». Alors que l’accord de Paris va fêter ses 10 ans et que la COP30 démarre dans quelques jours au Brésil, ce classement qui recense désormais 34 pays évalue leurs actions au regard des engagements pris en 2015. Grands gagnants : les pays de l’Europe du Nord, leaders mondiaux de la lutte contre le réchauffement. La France est 7ème et les États-Unis en bas du classement. Cette étude pilotée par le chercheur François Gemenne a été réalisée par l’Observatoire Hugo (Université de Liège) et le fonds de gestion belge DPAM.

Qui maintient vraiment le cap depuis dix ans sur la transition écologique, en dépit des aléas, du backlash et de l’affrontement des puissances ? La Suède, la Norvège, la Suisse, la Finlande et le Luxembourg s’affirment comme les cinq pays leaders en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Tel est le résultat du premier classement international qui mesure l’action de 34 pays membres de l’OCDE sur l’ensemble des grands critères de l’accord de Paris, que révèle aujourd’hui en exclusivité 2050NOW.

Maintenir la hausse de la température moyenne mondiale « bien en dessous des 2°C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici à 2100 », et si possible en dessous des 1,5°C » : l’adoption de l’accord de Paris en décembre 2015 avait suscité beaucoup d’espoir. Mais cet élan de raison universellement partagé a été signé par 196 parties (195 pays et l’Union européenne) dans une logique non contraignante. Les COP (Conférence des parties) qui se tiennent annuellement sous l’égide de l’ONU réunissent donc les États signataires pour négocier et adopter des décisions visant à limiter le dérèglement climatique. Et jusqu’ici, aucun modèle mathématique n’était parvenu à évaluer et comparer la réalité des engagements pris par les pays.

C’est la prouesse qu’opère ce classement, réalisé conjointement par l’Observatoire Hugo (Université de Liège, en Belgique) et Degroof Petercam Asset Management (Groupe Crédit agricole). Le palmarès 2025 compte 50 % de plus de pays que l’année dernière. En outre, ces critères principaux ont été recentrés pour rester étroitement fidèles aux trois dimensions de responsabilité définies par l’accord de Paris : l’adaptation, l’atténuation et la finance conçue comme le moyen d’aider les autres pays à diminuer leurs émissions (voir l’article sur la méthodologie). 

Fait nouveau également, les évaluations de la mise en conformité des différents pays ont été calculées en prenant en compte une trajectoire de réchauffement de 2°C et non plus de 1,5°C, plus conforme à la réalité. Une notion d’équité a été introduite dans les calculs permettant une approche plus holistique et plus axée sur la justice par rapport aux modèles existants. 

Mais, à l’instar des autres indicateurs composites, il se concentre sur les émissions territoriales sans tenir compte des émissions liées aux biens importés. « Il n’existe pas, en effet, de scénarios suffisamment détaillés pour mesurer les émissions liées à la consommation », relève Aidan Geel, le doctorant qui a conçu la matrice du modèle.

Les premières places pour les pays nordiques

Les gagnants du palmarès 2025 sont incontestablement les pays nordiques et la Suisse qui détrônent les pays germaniques aux premières places l’année dernière. Le relâchement important des politiques écologiques en Autriche et en Allemagne ainsi que le changement de méthodologie, qui valorise d’autres dimensions que celles de l’atténuation et de l’adaptation, expliquent cette dégradation. 

Le bon positionnement de la Suède, de la Norvège et de la Finlande s’explique par leur constance à développer une politique et une culture écologique, engagées bien plus tôt que les autres. « Quasiment la totalité du parc automobile est déjà électrifiée en Norvège. Les pays scandinaves ont aussi été précurseurs en introduisant, il y a plus de vingt ans, une taxe carbone et en octroyant les premiers des aides aux pays du Sud », analyse le chercheur François Gemenne. 

Cependant, tous ne sont pas bons sur tous les trois leviers (voir infographies). L’objectif de la méthodologie employée, est précisément de lisser les notes obtenues pour ne pas pénaliser outrageusement un pays qui serait moins performant dans une dimension. On peut ainsi relever que sur les cinq premiers du classement général — la Suède, la Norvège, la Suisse, la Finlande et le Luxembourg (par ordre décroissant) — ni la Norvège, ni la Finlande, ni le Luxembourg ne figurent parmi les quinze meilleurs sur le critère de l’adaptation. La Suisse maintient sa position de troisième en étant bien notée en adaptation et en financement des pays en développement, tout en étant absente des 15 premiers en atténuation. Dans nombre de cas, le bon positionnement de pays dans leur engagement à participer à l’accord pris de verser 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025 a joué favorablement. C’est en effet ce seuil qui a été considéré dans ce classement et non pas son relèvement à 300 milliards d’ici 2035 acté lors de la COP29 de Bakou en 2024. 

La France, première en adaptation

La France, au 7e rang, tient sa position. Pourtant, elle ne figure pas parmi les meilleurs élèves en atténuation. Et il n’y a pas d’amélioration en vue. La médiocrité de ses résultats en termes de baisse des émissions de gaz à effet de serre (-1,8 % en 2024, loin de l’objectif annuel moyen annuel de -5 % d’ici 2030) pèse dans son classement. Elle compense par un bon positionnement en adaptation qui pourrait encore s’améliorer avec le lancement, annoncé en mars 2025, du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (pour se préparer à une température de + 4°C en 2100). Sous réserve qu’il soit mis en place, dans le contexte actuel d’instabilité gouvernementale. Elle affiche aussi un bon rang en matière d’aide aux pays du Sud.

Parmi les nouveaux pays répertoriés, on peut relever les bons scores en atténuation de la Lituanie, de l’Estonie et de la Slovénie qui ont engagé des politiques de transition volontaristes.

La lourde responsabilité des derniers 

Logiquement, ce classement général des pays de l’OCDE reste largement dominé par les pays européens. Même si on distingue aussi de mauvais élèves tels que la Grèce, l’Italie et l’Irlande. « Les pays du Sud de l’Europe ont une conscience écologique historiquement moins prégnante et leurs politiques ont été logiquement moins ambitieuses. Quant à l’Irlande, sa fiscalité très avantageuse, y compris pour les entreprises plus polluantes, peut la pénaliser dans le classement », commente François Gemenne.

Mais la distanciation entre le gros des pays européens et le quatuor de fin de classement — Canada, Australie, Pologne, États-Unis (en ordre décroissant) — demeure forte. Sans progrès en vue pour ces pays charbonniers et climatosceptiques. « Le Canada, bon dernier, a une image de pays écologique complètement usurpée », signale François Gemenne. 

L’esprit de l’accord de Paris a bien établi que les pays ayant historiquement émis le plus de gaz à effet de serre et disposant d’une plus grande capacité économique devaient assumer une part plus importante de l’effort mondial en faveur du climat, avec à une obligation contraignante de fournir un financement climatique. Mais alors que les États signataires doivent livrer au plus tard pour la COP30 leur nouvelle feuille de route climatique pour cinq ans, sous forme de Contributions déterminées au niveau national (CDN), seuls 47 d’entre eux l’ont fait. Même l’Europe est en retard. 

Ce classement des bons et mauvais élèves souligne les progrès accomplis et stigmatise les pays qui sont un frein majeur à la dynamique écologique mondiale. Ce n’est sans doute pas un hasard s’il en ressort une corrélation puissante entre les niveaux atteints en matière de respect de l’accord de Paris et le score démocratique calculé tous les ans par l’unité d’intelligence économique du groupe The Economist. Tous les fronts reculent donc en même temps.

Chaque année, le classement s’enrichit de nouveaux pays. Il avait, en 2024, un prisme européen. Cette année, il ciblait les 38 pays de l’OCDE et l’année prochaine, il intégrera des pays en développement (PVD). Un défi considérable lorsque l’on cherche à collecter des données qualitatives, fiables dans la durée, mais rédigées dans toutes les langues, avec des alphabets différents. 

D’ailleurs, il manque quatre pays d’Amérique Latine au listing de l’OCDE. « Nous n’avons pas pu les agréger en l’absence d’informations sur leur support financier à d’autres pays. Et cette opacité est renforcée par le fait que ces pays sont aussi demandeurs d’aide. Leur statut entre pays de l’OCDE et PVD n’est pas clair », explique Aidan Geel, le doctorant qui a conçu la matrice du modèle.

D’ores et déjà, les chercheurs réfléchissent aux indicateurs idoines pour intégrer les pays en voie de développement dans le classement. Ils cherchent à répertorier ce que pourraient être les effets miroirs des engagements pris par les pays développés. Par exemple, l’action de PVD pour obtenir des fonds, la transparence de leur utilisation… Mais les bases de données existantes n’ont pas encore permis cette approche. « Même sur les critères d’adaptation, il est parfois difficile de savoir si une analyse de risque, un plan d’adaptation ont été réalisés »,poursuit le chercheur. Pour intégrer la Chine, deuxième puissance mondiale en 2025 par son PIB, et toujours répertoriée comme pays en développement, le plus difficile sera sans doute d’identifier les montants distribués aux autres Etats au titre de l’aide climatique. Cependant, l’intégration des pays du Sud, dont la responsabilité historique est moindre, pourrait rebattre les cartes du classement.