Anne-Sophie Fauvet est administratrice et spécialiste en gouvernance d’entreprises notamment familiales ainsi qu’en recrutement et formation d’administratrices et d’administrateurs. Claire Mayeux est ex-collaboratrice de Facebook/Meta, administratrice indépendante depuis dix ans et spécialiste des sujets technologiques, Data et IA. Caroline Renoux est administratrice et présidente du comité RSE d’une société du SBF 120, cheffe d’entreprise et spécialiste en sustainability. Toutes les trois sont convaincues que les conseils d’administration (CA) des entreprises ont le devoir de garantir un usage responsable de l’IA.
2025 est l’année des « Poly-défis » : tensions géopolitiques et commerciales, dissonances autour de l’ESG et percées technologiques avec en tête l’IA. IA et ESG sont complètement interconnectés.
Les différentes IA et leurs usages s’imposent comme un levier stratégique pour les entreprises. Les conseils d’administration, garants de la vision et de la pérennité de l’entreprise, doivent désormais intégrer cette réalité dans leurs méthodes ainsi que dans leurs interactions avec les dirigeants exécutifs, les actionnaires et toutes les parties prenantes.
L’IA se nourrit de beaucoup de données. Leur qualité, leur protection, le respect des réglementations font de ce sujet des DATA et donc de la bonne gouvernance des entreprises, un sujet indissociable de l’IA.
Le CA doit anticiper les risques technologiques, juridiques, réputationnels ou financiers. Plus de 80 % des technologies numériques utilisées en Europe sont américaines. Pour des questions de souveraineté, il convient de se poser les questions des partenaires technologiques et de l’Open Source.
L’IA est apparue il y a plus de 80 ans avec une accélération depuis 2000 et une émergence brutale avec l’IA Générative et Large Langage Model. L’IA est déjà au cœur de l’outil industriel (optimisation des chaînes de production, ajustement des stocks) ou des pratiques courantes de l’entreprise, sans même qu‘elle ne soit évoquée. Toutefois, pour la première fois, cette technologie dépasse le cadre de l’entreprise.
L’essor de l’IA a un impact environnemental fort puisqu’il entraîne une augmentation de la consommation en électricité (plus ou moins carbonée selon les géographies) et en eau des data centers. L’IA implique de repenser l’organisation du travail et la conduite du changement. Elle permet d’automatiser des tâches répétitives.
Toutefois l’IA ne s’applique pas partout et l’optimisation ne peut être une fin en soi. Le CA doit se poser les questions en fonction de la raison d’être, de la vision et de la mission de l’entreprise. Les CA doivent se former aux enjeux et aux applications des différentes IA sans être expert. Un vernis suffisant et une veille technologique et concurrentielle adaptée permettent de questionner l’équipe dirigeante et d’avoir des échanges sérieux et utiles avec les parties prenantes. L’intégration de l’IA nécessite une collaboration étroite entre les experts, les responsables métier et les parties prenantes internes et externes. La mise en place de comités dédiés (comité éthique ou responsabilité confiée au comité d’audit) ou de groupes de travail peut faciliter cette synergie et garantir une réflexion, la définition d’une feuille de route et un déploiement idoine.
En conclusion, pour la performance, la durabilité et la responsabilité sociale des entreprises, le sujet des IA et de leurs usages est un sujet interdisciplinaire que le CA ne peut pas aborder de façon dilettante et silotée.
Le CA doit s’assurer que cette course technologique n’est pas une fuite en avant qui pourrait aller jusqu’à mettre en péril le projet de l’entreprise et les limites planétaires. Les CA doivent participer au questionnement (IA responsable, éthique et stratégique voire souveraine) et à la sécurisation d’un cadre où peuvent s’ouvrir des voies à des modèles économiques innovants qui favorisent la compétitivité, la croissance raisonnée et la robustesse des entreprises.
Enfin, les membres du CA peuvent être les garants d’une approche positive et inclusive de l’IA en l’abordant sous l’angle de source de progrès et de création de valeur pour l’individu, pour l’entreprise, pour le collectif, pour le vivant et pour la planète.
Par Anne-Sophie Fauvet, Claire Mayeux et Caroline Renoux