Par Éric Hazan, co-auteur avec Frédéric Salat-Baroux de « Révolution par les territoires, une réponse française aux défis du monde », Éditions de L’Observatoire. Associé cofondateur de la société de gestion Ardabelle Capital.

« Depuis un demi-siècle, l’économisme – le marché comme remède universel – imprègne les élites occidentales. En France, couplé à un centralisme étouffant, il a engendré un épuisement collectif face à la perte de sens, au déclassement des classes moyennes et à la relégation des territoires. Ce modèle, inadapté à l’économie du savoir, creuse les fractures sociales et territoriales, alimentant la lassitude démocratique. Il est temps d’inverser la donne par les territoires.

L’IA redéfinit le travail. 27 % des emplois automatisables impose une requalification massive mais ouvre des perspectives inédites. Les métiers de demain ne nécessitent plus une concentration dans les métropoles. Les territoires ruraux et villes moyennes peuvent accueillir ces activités. Le travail hybride, adopté par 36 % des salariés français et plébiscité par 65 % des actifs, amplifie ce potentiel. Il répond à une quête de sens et de qualité de vie, favorisant un rééquilibrage démographique.

L’urbaniste italien, Alberto Magnaghi, dénonce des « territoires pulvérisés » qui ne sont plus que des lieux de passage. La durabilité est aussi un impératif complémentaire. Les territoires peuvent bâtir des écosystèmes locaux résilients – énergies renouvelables, circuits courts, santé de proximité – en valorisant leurs spécificités. Ces initiatives ne se limitent pas à l’économie : elles tissent du lien social et préservent l’environnement, via des services accessibles et une gouvernance participative.

Géopolitiquement, la donne change. Le retard technologique européen et la montée des tensions mondiales exigent une souveraineté renforcée. Relocaliser stratégiquement devient urgent. Les territoires, s’ils disposent d’autonomie et de moyens, peuvent attirer des entreprises innovantes et sécuriser nos infrastructures critiques.

Ce projet local, en faisant des territoires des acteurs-clés, doit relancer une France en panne d’horizons. Avec des emplois créés sur place, des filières relocalisées et une solidarité renforcée, on bâtit un pays résilient face aux changements du monde. »