Le think tank The Shift Project et l’association Bloom ont tendu un miroir peu habituel au secteur de la pêche française : celui de son empreinte carbone. Pour la première fois, un bilan complet des émissions de gaz à effet de serre de la flotte battant pavillon français est publié. Un exercice inédit, en France et dans le monde, qui ne se contente pas d’empiler des chiffres, mais pose les bases d’un débat incontournable autour de la transition du secteur. 

Basé sur les données de 2022, le rapport s’en tient à la partie strictement productive du secteur : de la construction des navires jusqu’à leur retour à quai, sans l’aval du secteur (transformation et distribution des produits de la mer). Verdict : la pêche française a émis 1,14 million de tonnes de CO₂ en 2022, soit environ 0,2 % de l’empreinte carbone nationale. Un poids équivalant à un peu moins que le trafic aérien intérieur en France métropolitaine en 2023 (1,6 million de tonnes).

Sans surprise, le carburant occupe la première place avec 84 % des émissions qui proviennent directement de sa combustion. Suivi du cycle de vie des navires et des engins de pêche (8 %) et les fuites de gaz frigorigènes (3 %), des postes souvent relégués en marge du débat public, mais désormais quantifiés et visibles. Ce travail de ventilation fine des émissions par flottilles, par taille des navires et par postes d’activité vise à mettre à disposition un socle de données transparentes et reproductibles, offrant une base factuelle commune pour éclairer, ultérieurement, les débats et les décisions qui relèvent d’autres espaces : recherche, stratégies d’acteurs, politiques publiques.

Le rapport ne dicte pas la marche à suivre : pas de recommandation ni de scénario de transition, uniquement une « photographie chiffrée », un socle de données transparent et reproductible. Aux chercheurs, aux professionnels du secteur, aux décideurs publics, d’en tirer les conséquences. The Shift Project et Bloom posent ainsi une condition préalable au débat : sans chiffres robustes, pas de choix éclairé.