La stratégie de domination énergétique menée par les États-Unis depuis une dizaine d’années a redéfini leurs rapports avec les pétromonarchies du Moyen-Orient, autrefois toutes-puissantes. Avec le retour de Donald Trump, les deux camps pourraient s’allier pour freiner les timides efforts déployés à l’échelle internationale sur les dossiers environnementaux. 

Les velléités pétrolières des États-Unis ne font pas les affaires des autres pays exportateurs de pétrole et de gaz. Avec 13 millions de barils/par jour, les États-Unis sont de loin le premier producteur de pétrole mondial, détrônant depuis une dizaine d’années l’Arabie Saoudite. Un leadership qui se traduit par un affaiblissement historique de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). L’époque où le cartel faisait trembler les grandes économies européennes avec ses menaces de hausse de prix est bel et bien révolue. En produisant autant que possible, les producteurs américains ont alimenté un marché en croissance, maintenant des prix acceptables de l’or noir, contribuant à ralentir la transition vers des énergies moins carbonées mais plus chères. 

L’Opep perd de sa superbe

La stratégie de l’Opep de mettre en faillite les producteurs privés américains en faisant baisser les prix n’a eu comme conséquence que d’augmenter les parts de marché de ces derniers. La résilience du secteur américain de l’Oil&Gas, grâce à des baisses de coûts et une concentration des acteurs, a même généré une véritable défiance de certains membres de l’organisation vis-à-vis du leader auto-proclamé, l’Arabie Saoudite. L’échec de la stratégie du Royaume et l’incapacité à enrayer la baisse de prix du baril de 25 % sur les deux dernières années a considérablement affaibli l’influence de Riyad sur ses partenaires. 

Plusieurs pays membres ont ainsi estimé qu’ils seraient plus avisés de reprendre leur liberté, et ont quitté l’Opep. C’est le cas de l’Angola (2024), et avant de l’Équateur (2020) et du Qatar (2019). De fait, le marché pétrolier mondial devient moins contraint, maintenant des prix relativement bas face à une demande en hausse. Et la concurrence entre États producteurs s’intensifie.

La Chine très active à Riyad

Une compétition qui tend les relations entre les États-Unis et les autres pays producteurs qui cherchent à sécuriser leurs exportations et à redéfinir leurs partenariats stratégiques. Très active dans la région, la Chine veut profiter de la situation pour porter de premiers coups à l’hégémonie du dollar sur les transactions d’énergie. 

En décembre 2022, le président Xi Jinping s’est rendu à Riyad pour la première fois depuis six ans afin d’assister au premier sommet Chine-États arabes et au sommet Chine-Conseil de coopération du Golfe (CCG) organisés par le prince héritier Mohammed ben Salman. Il a été une nouvelle fois question d’utiliser le yuan en lieu et place du dollar pour les prochaines transactions. La compagnie nationale Aramco n’a pas encore officiellement signé de contrats en ce sens mais confirme y travailler. Une telle décision serait une menace à l’omniprésence du dollar dans les cotations pétrolières et pourrait à terme remettre en question l’hégémonie américaine sur les systèmes internationaux des transactions commerciales.

De premières entailles ont été portées par la Chine dans le gaz naturel liquéfié (GNL) avec la signature de contrats exprimés uniquement en yuan. Les deux multinationales françaises Engie et TotalEnergies ont souscrit de tels contrats en 2023, pour l’instant sur de petites cargaisons de GNL. Ces compagnies jouent ainsi un rôle dans la tentative chinoise de dédollariser les échanges d’hydrocarbures.

Des intérêts convergents

Si les pays du Golfe montrent une volonté de s’affranchir au moins partiellement des États-Unis, ils gardent des intérêts communs avec Washington. Aucun d’entre eux n’a intérêt à soutenir des engagements internationaux conduisant à baisser la consommation mondiale de pétrole. De ce point de vue, les pétromonarchies trouvent en Donald Trump un allié de poids. 

Un soutien qui ne peut que renforcer la paralysie de la communauté internationale sur les grands dossiers environnementaux, à l’instar des échecs de la COP16 sur la biodiversité ou du sommet de Busan en novembre 2024 qui a échoué à instaurer un traité contraignant visant à fixer un plafond à la production et à la consommation de plastique à l’échelle mondiale. Soutenu par l’Union européenne et une centaine de pays, ce projet a fait face à l’opposition farouche de pays producteurs de pétrole, menés par l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Russie. Les nouveaux alliés de l’Amérique de Trump sur les grands dossiers environnementaux du monde. 

Dans ce contexte, l’incertitude plane sur les nombreux projets d’énergies renouvelables lancés dans la péninsule arabique, notamment dans le solaire. Ils avaient vocation à offrir un relais de croissance aux pétromonarchies dans un futur sans pétrole. Encore récemment, les entreprises françaises EDF Renouvelables et TotalEnergies ont signé des contrats en Arabie Saoudite pour de grands projets photovoltaïques, à l’occasion du voyage d’Emmanuel Macron dans le pays en décembre dernier. Les conditions d’ensoleillement et l’accès au foncier très avantageux rendent ces projets très compétitifs. Les nouvelles capacités renouvelables pourraient positionner Riyad en important producteur d’hydrogène décarboné. Plusieurs projets sont à l’étude en collaboration avec des entreprises locales comme ACWA Power, Saudi Aramco ou Sabic. Reste à savoir s’ils survivront au nouveau contexte international de l’ère Trump 2.