Le plus grand constructeur automobile européen accumule les déconvenues et son virage vers l’électrique pourrait finir en sortie de route. Cet ancien fleuron industriel, très exposé aux menaces de barrières douanières proférées par Donald Trump, voit dans la Chine une possible planche de salut.

Autrefois symbole de la suprématie industrielle allemande, Wolfsburg, le fief historique de Volskwagen, a perdu de sa superbe. À l’automne dernier, un plan de restructuration historique avec l’annonce de fermetures d’usines et de 35 000 licenciements – pour un effectif de près de 300 000 employés outre-Rhin – a provoqué un mouvement social sans précédent dans ce qui était le modèle de la cogestion. Au terme d’une négociation marathon de 70 heures, la direction et le puissant syndicat IG Metall sont parvenus fin décembre à un accord : pas de fermeture de site et des suppressions de postes, sans licenciement. Il n’empêche, le groupe reste fragile à l’heure où de nouvelles menaces géopolitiques se profilent.

Quitter le marché américain ?

Pour Volkswagen, le principal péril du moment se situe aux États-Unis. Donald Trump a signé le décret imposant des droits de douane de 25 % sur les biens importés du Canada et du Mexique, avant de le suspendre pour un mois. Cela laisse planer le risque pour Volkswagen de voir ses 350 000 véhicules fabriqués chaque année dans son usine de Puebla au Mexique devenir bien trop chers par rapport à ses concurrents américains. 

Un constat confirmé par la banque d’investissement Stifel. Elle estime que 65 % des voitures vendues par le groupe allemand aux États-Unis ne seraient plus compétitives si des droits de douane étaient ajoutés. L’enjeu pour Volkswagen va être soit d’augmenter sa capacité de production aux États-Unis, soit de quitter à terme le marché américain. Signe d’une future décision ? Le constructeur a annoncé l’annulation du lancement du modèle ID7 sur le marché de l’Oncle Sam en raison des réticences affichées de la nouvelle administration pour les véhicules électriques. 

Imbroglio indien

Autre zone où Volkswagen rencontre des difficultés : l’Inde. Cet énorme marché affichait de belles promesses mais le groupe est en litige avec les autorités qui lui reprochent d’avoir éludé les taxes en important ses véhicules comme des « pièces détachées », ne payant ainsi qu’une taxe de 5 à 15 % au lieu des 35 % applicables aux unités complètement montées. Volkswagen India a beau se défendre en expliquant avoir tenu le gouvernement indien informé de son modèle d’importation pièce par pièce, il risque une amende de 1,2 Md$.

Dieselgate

Si le contexte géopolitique n’est pas favorable, le groupe pâtit également de ses propres erreurs. On se souvient par exemple du dieselgate, ce scandale industriel lié à l’utilisation de différentes techniques pour réduire frauduleusement les émissions polluantes de moteurs lors d’essais d’homologation. Cette affaire a terni la bonne image qu’entretenait la marque allemande.

Par ailleurs, la transition vers les véhicules électriques n’est pas aisée pour un constructeur spécialisé dans les moteurs thermiques qui voit des pure players prendre d’importantes parts de marché à l’instar de l’américain Tesla – malgré une baisse de 60% de ses ventes outre-Rhin en janvier – ou dans une moindre mesure du chinois BYD. Le groupe allemand n’a vendu que 745 000 véhicules électriques sur les 9 millions de modèles écoulés en 2024. Soit une part de 8 %, bien en deçà du quota de 20 % fixé par la réglementation européenne CAFE, entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Si l’entreprise ne parvient pas à effectuer une remontada cette année, elle devra racheter des quotas à d’autres constructeurs sous peine de se voir infliger encore une amende pouvant aller jusqu’à 1,5 Md€. 

La baisse de près de 25 % du marché automobile européen après le Covid-19 a entraîné une situation de surcapacité de production pour Volkswagen (322 Mds€ de chiffre d’affaires en 2023). L’accord négocié fin décembre évite certes les fermetures de sites, mais le groupe va néanmoins supprimer 35 000 emplois outre-Rhin d’ici à 2030. Une première dans l’histoire de l’entreprise qui pourrait ne pas être suffisante.

Salut chinois ?

Lors d’une conférence fin janvier, le PDG Oliver Blum a confirmé une rumeur qui circulait depuis plusieurs semaines : Volkswagen est en négociation avec des groupes automobiles chinois pour leur louer, voire vendre, certaines de ses usines en Allemagne. Cela pourrait concerner dans un premier temps les sites de Dresde et d’Osnabrück. 

Une petite révolution que le patron de Volkswagen préfère minimiser : « Il est toujours positif que des entreprises investissent en Europe… Nous avons des partenariats étroits en Chine et, bien sûr, il y a eu des conversations, mais pas de décisions concrètes », a-t-il expliqué. L’accord permettrait à Volkswagen de réduire sa surcapacité et de réduire les coûts. Mais il offrirait aussi des conditions idéales aux concurrents chinois pour entrer sur le marché européen à moindres frais. Il pourrait s’agir des groupes JAC, FAW ou encore SAIC (marque MG) avec qui Volkswagen a déjà noué des partenariats ou d’autres acteurs désireux de détenir des capacités de production en Europe. 

Ce projet serait composé également d’un volet transfert de technologie de la part du groupe chinois pour permettre à Volkswagen de rattraper son retard sur la motorisation électrique. Signe que l’industrie automobile allemande entre bien dans une nouvelle époque.