Dans un contexte international très tendu, les enjeux géopolitiques et climatiques seront au cœur des « Rencontres du Risk Management », du 5 au 7 février à Deauville. Près de 4 000 professionnels sont attendus à cet événement annuel organisé par l’Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise (AMRAE), qui compte 1 850 membres appartenant à plus de 850 organisations privées et publiques. Son président, Oliver Wild, explique à WARM les enjeux de cette édition. Il est aussi Group Chief Risk and Insurance Officer de Veolia Environnement.

Qu’est-ce qui préoccupe le plus les risk managers que vous réunissez à Deauville ?

Oliver Wild : Les Rencontres vont se dérouler dans un contexte international totalement nouveau. Nous l’avions anticipé l’an dernier en observant que la moitié de la population mondiale était appelée à voter dans des scrutins divers. Ces élections ont effectivement changé le décor, notamment pour les entreprises : elles ont une nécessité de s’adapter et de réexaminer leur stratégie de développement, d’implantations ou d’investissements au regard des nouveaux risques et aussi des nouvelles opportunités. Il y a des géographies où nous pourrons accélérer et d’autres où nous devrons ralentir ou même nous réorienter. C’est le métier des risk managers d’orienter et d’accompagner la stratégie de nos entreprises.

Quelle part prennent, dans ce contexte, les dérèglements climatiques qui se sont multipliés ces derniers mois ?

Oliver Wild : Le climat sera au cœur de nos échanges. Les dérèglements climatiques s’intensifient tant en termes d’impact que de fréquence. Nous avons multiplié les groupes de travail au sein de l’association, notamment sur les stratégies d’adaptation des entreprises et sur les nouvelles obligations réglementaires et de reporting en Europe. Il y a une nécessité – en bonne gestion des risques et de gouvernance – d’adapter à court terme nos unités opérationnelles pour qu’elles résistent aux chocs climatiques. Et d’envisager une transformation de certaines activités à moyen et plus long terme.

On aide les opérationnels à évaluer et à cartographier l’exposition des risques des sites en fonction de leur localisation et de la modélisation de l’évolution des événements climatiques dans les dix, vingt ou trente ans à venir. Les périls sont différents selon les zones. Nous passons tout au crible : les conditions de travail et d’activités lors de températures plus importantes, les conditions d’un retour rapide à la normale en cas d’événements climatiques intenses, etc. Et bien sûr, les investissements nécessaires. Nous avons mis au point divers outils qui nous permettent de prioriser les investissements en fonction des risques et des géographies.

Dans un contexte économique très tendu, l’urgence de l’adaptation a-t-elle pris le pas sur celle de la limitation des émissions de CO2 ?

Oliver Wild : Il y a des situations où l’adaptation est impérieuse parce qu’on subit déjà l’impact climatique, comme à Valence ou dans certains États américains pour prendre les exemples récents les plus extrêmes. Mais sur le moyen terme, la réduction des émissions doit rester centrale : nous devons réduire notre contribution au réchauffement climatique et corriger la trajectoire au travers d’actions multiples, notamment via nos choix énergétiques. C’est tout autant primordial.

Comment les risk managers élaborent-ils aujourd’hui les stratégies d’adaptation ?

Oliver Wild : Nos stratégies de résilience sont désormais territoriales : il ne suffit pas de sécuriser des installations, mais de s’assurer à l’échelle d’un territoire que nos salariés pourront toujours se déplacer, par exemple, et que les conditions de maintien des activités seront assurées. On ne doit plus raisonner en silo, mais de manière systémique avec toutes les parties prenantes, privées et publiques. C’est ce changement d’état d’esprit qui permet de mettre en place des stratégies beaucoup plus efficaces. Quand l’ouragan Katrina a frappé en 2005, c’est toute l’économie américaine qui a été percutée, parce que l’acheminement via le Mississipi – l’artère commerciale majeure des États-Unis – était bloqué, et donc les prix de l’essence ont explosé, etc.

Il faut anticiper et pré-contractualiser les actions d’urgence, par exemple, pour avoir des camions-citernes d’eau potable. Nous définissons ainsi des bonnes pratiques pour traiter la crise le mieux possible, en absorber une grande partie du choc, et opérer en mode dégradé le moins longtemps possible… Ce qui coûte le plus cher, c’est la durée de perturbation. Seul ce travail d’anticipation avec toutes les parties prenantes d’un territoire renforce la résilience et constitue de fait des éléments d’attractivité pour des investisseurs.

Vous proposez dans ces Rencontres un « Parcours géopolitique » : « la supply chain à l’épreuve des crises mondiales », « la gestion des risques géopolitiques en Afrique », et « Guerre, sanctions, et embargo, comment réduire les impacts ». Comment abordez-vous ces dimensions ?

Oliver Wild : L’an dernier, nous avions un « Parcours » sur le climat, qui est une session de travail collectif très pédagogique, de mise en situation, en regardant par exemple comment je fais une bonne cartographie de mes risques climat.

Cette année, nous avons choisi de proposer un parcours géopolitique, en présentant notamment le développement de plateformes d’analyse de risques pays, pour bien comprendre l’exposition et le niveau de confiance dans la stabilité politique d’un pays donné. On regarde, par exemple, le niveau de confiance dans la justice ou le niveau de circulation de cash dans l’administration publique d’un pays donné. Et d’autres indicateurs comme le stress hydrique par exemple. L’objectif est d’identifier ce que veut dire pour telle entreprise de faire du business dans tel pays. Notre objectif est d’alimenter au mieux la stratégie des entreprises dans leur développement ou leur implantation dans un pays. Et de prévoir aussi les stratégies de désengagement… il n’y a jamais de risque zéro.