Le nombre total de contentieux climatiques enregistrés dans le monde a été multiplié par 3,5 depuis 2017, selon le dernier rapport du Programme de l’environnement des Nations Unies et du Sabin Center for climate change law de l’Université Columbia. Près de 20 % des nouvelles affaires concernent des entreprises, estiment Joana Setzer et Catherine Higham, chercheuses au Grantham Research Institute de la London School of Economics. Gros plan sur cinq multinationales de différents secteurs dans le collimateur de la justice.
BNP Paribas, un premier procès contre une banque
Depuis 2023, la banque française est poursuivie en justice pour sa responsabilité dans la crise climatique, une première mondiale pour un établissement bancaire. Deux plaintes ont été déposées pour manquement à son devoir de vigilance. La première par les ONG Notre Affaire à tous, Les Amis de la Terre France et Oxfam France, qui lui reprochent de financer des projets d’énergie fossile. La deuxième par Notre Affaire à tous et l’ONG brésilienne Comissão Pastoral da Terra, au motif que l’établissement a fourni des services financiers à Marfrig, un producteur de viande bovine impliqué notamment dans la déforestation de l’Amazonie. Audience prévue en 2026.
Casino, une plainte inédite contre un distributeur
Le groupe a été assigné en justice en mars 2021 par une coalition d’ONG et de représentants autochtones brésiliens et colombiens pour non-respect du devoir de vigilance. Motif invoqué : le distributeur français commercialise en Amérique du Sud des « produits à base de viande bovine liée à la déforestation illégale et à l’accaparement des peuples autochtones ». C’est la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est poursuivie devant les tribunaux pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance. Affaire à suivre, avec un procès prévu en 2026.
Holcim, une première société suisse sur la sellette
Début septembre, le géant suisse du ciment Holcim, qui a fusionné avec le français Lafarge, s’est retrouvé devant un tribunal de son pays à la suite d’une plainte déposée en 2023. Quatre pêcheurs indonésiens l’accusent d’être responsable des inondations de plus en plus violentes sur leur île de Pari. La justice doit encore se prononcer sur la recevabilité de la plainte. Une première dans le pays.
Le brésilien JBS attaqué par l’État de New York
La filiale américaine de JBS, le plus grand producteur mondial de produits à base de bœuf, veut éviter les tribunaux. Début novembre, le géant brésilien de l’agro-alimentaire a accepté de payer 1,1 M$ pour mettre fin au procès intenté en février 2024 par le Procureur général de l’État de New York, qui l’accusait d’avoir trompé le public sur son impact environnemental. En janvier 2023, l’ONG Mighty Earth avait elle aussi déposé une plainte contre le groupe, l’accusant de tromper les investisseurs avec des obligations dites vertes lancées en 2021.
TotalEnergies, le champion français des contentieux
C’est le groupe qui cumule le plus de litiges climatiques en France (sept selon l’Association des professionnels de la réassurance en France) et le premier à avoir été assigné, en 2020, pour non-respect du devoir de vigilance. Déboutés en 2023 sur la recevabilité de leur plainte, les plaignants ont finalement obtenu gain de cause : en juin 2024, la nouvelle chambre spécialisée de la Cour d’appel de Paris a jugé l’action judiciaire recevable. Depuis mars 2024, la major pétrolière est aussi poursuivie par un agriculteur belge pour sa responsabilité dans le dérèglement climatique. Il est soutenu dans sa plainte par trois ONG et plus de 9 000 citoyens. Après l’ouverture du procès en novembre, le verdict est attendu en 2026.
Sandrine Trouvelot