Le retour au pouvoir de Donald Trump aura-t-il une incidence sur la stratégie de Veolia, leader mondial de la gestion de l’eau et des déchets, très présent aux États-Unis ? Entretien avec la directrice générale, Estelle Brachlianoff.

Les États-Unis représentent un levier de croissance stratégique pour Veolia qui a plus que doublé son chiffre d'affaires outre-Atlantique entre 2019 et 2023. En avril dernier, Veolia se fixait un objectif ambitieux de doubler de taille aux USA d'ici 2030. Ces objectifs sont-ils toujours d'actualité ? 

Estelle Brachlianoff : Absolument, nos objectifs pour les États-Unis, fixés dans le cadre de notre plan stratégique GreenUp, sont plus que jamais d’actualité. Nous avons même fait du pays l’un de nos boosters de croissance !
Nous maintenons fermement notre ambition de doubler notre taille aux USA d’ici 2030. Ce n’est pas un vœu pieux, c’est un engagement solide et nous mettons tout en œuvre pour atteindre cet objectif ambitieux.
Les États-Unis représentent pour nous un marché clé, un véritable moteur de croissance. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’année dernière, les USA représentaient déjà 11 % de notre chiffre d’affaires global. C’est considérable, et ça montre bien l’importance stratégique de ce marché pour le groupe. 

Donald Trump a annoncé son intention d'aider l'industrie américaine en réduisant autant que possible les contraintes environnementales. Anticipez-vous une baisse des investissements américains dans les projets et technologies relatifs au traitement de l'eau ou des déchets ?

Estelle Brachlianoff : La partie la plus importante de nos activités se fait à l’échelle des États et des villes, pas au niveau fédéral. Nous signons des contrats en Californie, au New Jersey, au Texas, pas avec le gouvernement américain. Globalement, le changement de locataire à la Maison Blanche a un impact moins significatif sur notre activité.

La demande pour les services écologiques est bel et bien ancrée dans l’économie américaine, et dépasse les clivages politiques. Je ne vois pas un État comme la Californie abandonner son ambition sur les sujets écologiques : par exemple, la question de la rareté de la ressource en eau y reste cruciale quelles que soient les majorités politiques.

En fin de compte, le marché du traitement de l’eau et des déchets répond à des besoins fondamentaux qui persistent au-delà des cycles électoraux. C’est à cette échelle territoriale que beaucoup de choses se passent et c’est à cette échelle-là que nous sommes présents.

Critiqué par le candidat élu, l'Inflation Reduction Act (IRA) a attiré beaucoup d'investissements étrangers aux États-Unis. Quels impacts aurait sa remise en cause, même partielle pour Veolia ?

Estelle Brachlianoff : La volonté d’attirer des investissements et d’ouvrir de nouvelles usines aux États-Unis est plus forte que jamais. On peut s’attendre à ce que l’administration Trump maintienne cette tendance. L’IRA soutient de nombreux projets populaires à travers les États-Unis, y compris dans les États républicains. Je pense que la dynamique restera très positive pour Veolia car les nouvelles installations auront besoin d’eau, d’énergie et de traitement de leurs déchets pour fonctionner.

Le groupe Veolia développe-t-il des projets de production d'énergie aux États-Unis ? Ces projets pourraient-ils être impactés par la nouvelle administration ?

Estelle Brachlianoff : On se concentre sur la production locale d’énergie, que ce soit pour nos usines ou nos clients. Le solaire et la récupération d’énergie sont nos priorités pour leur aspect compétitif, et la nouvelle administration y est favorable.
Nos clients nous sollicitent aussi pour les aider à faire face aux fluctuations du marché. C’est une opportunité de croissance pour nous, on introduit des technologies éprouvées en Europe, comme la flexibilité électrique et les pompes à chaleur.

Le lendemain de l'élection américaine, Veolia a annoncé investir dans le nouveau fonds Axeleo GreenTech Industry (GTI I) destiné à financer des jeunes pousses de la transition écologique. Le nouveau locataire de la Maison Blanche pourrait-il vous inciter à réorienter votre stratégie vers l'Europe ou l'Asie ?

Estelle Brachlianoff : Veolia vient en effet d’allouer 30 M€ à un fonds qui booste l’écologie dans l’industrie européenne. Nous sommes engagés auprès d’acteurs reconnus comme Bpifrance et le Crédit Mutuel Alliance Fédérale sur le sujet. Pour Veolia, investir dans l’innovation est clé pour développer des solutions vertes et les mettre en œuvre rapidement. C’est au cœur de notre plan stratégique GreenUp : accélérer la mise en place de solutions pour dépolluer et préserver nos ressources.

Les start-up américaines bénéficient déjà d’importants financements. On a prévu d’investir là-bas aussi, mais on ne veut pas mettre tous nos œufs dans le même panier. L’idée, c’est d’avoir des investissements un peu partout dans le monde.