La transition accélérée vers les énergies décarbonées a nécessité un plan stratégique pour transformer des petits poucets de l’électrique en géants industriels. Parmi les bénéficiaires : Gotion, installé à Hefei, dans l’est de la Chine, devenu l’un des leaders de la batterie.
Aujourd’hui repérable à son grandiose dôme de verre, cette usine, qui jadis vivotait grâce aux batteries de bicyclettes électriques, aurait mis la clé sous la porte si le gouvernement central n’avait pas eu un déclic. En 2009, le président chinois Hu Jintao s’inquiète de la pollution de l’air et veut encourager la naissance d’une industrie automobile électrique. Pékin fixe alors des quotas de production aux constructeurs et propose des fonds colossaux aux sous-traitants potentiels les plus motivés.
Au bord de la faillite, loin des côtes où se concentrent les entreprises les plus dynamiques, Gotion ne réfléchit pas à deux fois. Et change de dimension. Moins connu que le leader chinois CATL, il n’en n’est pas moins devenu l’un des plus grands fabricants mondiaux de batteries lithium-fer-phosphate (LFP), avec ses 20 000 salariés et 4 300 brevets dont une grande partie porte sur le recyclage des matériaux. Il se spécialise aussi dans les unités de stockage d’énergie stationnaire : ces batteries-conteneurs qui emmagasinent l’énergie excédentaire produite par les centrales solaires ou éoliennes pour mieux la redistribuer sur le réseau quand la demande dépasse l’offre.
Gotion, rebaptisé Gotion High-tech en 2015 pour soigner son image à l’étranger, fait maintenant partie d’un ensemble d’acteurs locaux soudés autour de la voiture électrique. « Nous mobilisons toutes les ressources possibles pour former un écosystème complet réunissant la production, la recherche, l’enseignement, les services et les applications concrètes », confirme Liu Wenfeng, vice-directeur de la Commission pour le développement et la réforme de l’Anhui.
Projets aux États-Unis et au Maroc
Hefei accueille, de fait, l’une des meilleures universités scientifiques du pays, d’où sortent des ingénieurs capables de comprendre l’automobile électrique moderne, sa chimie et son « process » de fabrication basé sur l’automatisation et le traitement massif de données. En cinq ans à peine, la ville a attiré trois constructeurs majeurs de véhicules électriques : le géant BYD, l’allemand Volkswagen et le shanghaïen Nio, fragile mais régulièrement renfloué par des entreprises publiques locales.
Gotion voit large et investit plusieurs dizaines de milliards d’euros à travers le monde pour se greffer aux chaînes locales d’approvisionnement. Parmi ses deux projets de gigafactories de batteries en cours d’étude ou en chantier, deux concernent les États-Unis : l’un dans l’Illinois va bon train et a même attiré 470 M€ d’argent public. L’autre dans le Michigan se heurte à une fronde locale très vivace contre le régime chinois. « Si nous suivons les mêmes règles que les entreprises américaines, nous attendons le même traitement », réagit prudemment le vice-président en charge des opérations stratégiques, Allen Xiong. Avec le soutien du roi Mohammed VI, Gotion construit une autre gigafactory à Kénitra au Maroc, cette fois-ci pour accompagner – espère-t-elle – les constructeurs Renault et Stellantis déjà installés. Elle sera opérationnelle à l’été 2026.